
Statue par le « Maître de la double Auricule », Baule, Côte d’Ivoire. XIXe-milieu du XXe siècle. Bois, pigment, fibres, cheveux et matières sacrificielles. H. : 52,7 cm. © MET, The Michael C. Rockefeller Memorial Collection, donation Nelson A. Rockefeller Gift, 1962. Réf. : 1978.412.468.
En Afrique, les animaux tiennent le premier rôle dans les mythes, les légendes, les proverbes et les contes, que perpétuent et vivifient les arts de la parole. Ils servent de modèles aux femmes et aux hommes. Ces derniers, dès leur plus jeune âge, acquièrent leurs connaissances, notamment par l’initiation, en se référant à des codes puisés, entre autres, dans la tradition orale qui accorde une valeur déterminée, positive ou négative, aux différents animaux domestiques ou sauvages de leur environnement quotidien. La représentation d’un vaste bestiaire constitue la face visible d’une symbolique puissante et complexe, à l’œuvre dans les cérémonies d’initiation, les rituels propitiatoires, les pratiques thérapeutiques, les actes de divination et de sorcellerie.

Porteur de coupe, Baule, Côte d’Ivoire. Bois, tissu et matières sacrificielles. H. : 55,5 cm. Don André Lefèvre, 1957. © Musée du quai Branly, Paris. Inv. 71.1957.1.1 D.
Le monde baule était habité par de nombreuses puissances surnaturelles aptes à influer sur l’existence des humains. Beaucoup de ces forces demandaient la création d’objets tangibles qu’elles pourraient occuper afin de les utiliser dans un culte destiné à améliorer la condition d’un individu ou de la communauté. Le cynocéphale, singe au museau allongé, dévastateur de cultures, faisait partie du panthéon des Baule de Côte d’Ivoire en tant que puissant esprit de la brousse. Des représentations anthropo-zoomorphes, communément appelées « singes mendiants » ou gbekre, le figurent dans une posture de récipiendaire d’offrandes.
Sculptées pour l’individu appelé à les servir, ces statues étaient uniques — rarement plus d’une par village — et appartenaient à une seule personne. Après le décès de son propriétaire, elles étaient préservées par la famille et conservées par plusieurs générations dans leur village.

Porteur de coupe, Baule, Côte d’Ivoire. Bois, tissu et matières sacrificielles. H. : 63 cm. Ex-coll. Armand Arman ; Bernard Dulon. © Africarium Collection.
Leurs appellations, les pratiques et les croyances associées à ces “singes” étaient diverses, idiosyncratiques et secrètes. Couverts de matières sacrificielles, ils étaient, au même titre que d’autres objets destinés à recueillir des offrandes de sang, sacrés, dangereux et éloignés des femmes. Généralement porteurs d’une coupe, ces représentations incarnaient des forces invisibles dénommées amuin ou amwin, tant maléfiques que bénéfiques, auxquelles les communautés baule faisaient appel par l’intermédiaire de devins.

Porteur de coupe aux jambes entrelacées en spirale, Baule, Côte d’Ivoire. Bois et matières sacrificielles. H. : 63 cm. Ex-coll. Robert Duperrier ; Samir Borro. © Africarium Collection.

Porteur de coupe aux jambes croisées, Baule, Côte d’Ivoire. Ses bracelets indiquent son usage par le culte du mbra. Bois et matières sacrificielles. H. : 62 cm. © Ex-coll. Henri Kamer, coll. privée, Bruxelles.
Si de nombreuses expositions et publications ont été consacrées à la Côte d’Ivoire ou à telle ethnie en particulier, aucune publication ne s’était attachée à brosser un panorama complet de ces statuettes. Cet ouvrage, richement illustré, étudie la création, l’utilisation et la forme de ces porteurs de coupes, tout en éclairant leur contexte culturel et rituel.
singes baule / baule monkeys, par Bruno Claessens et Jean-Louis Danis, avec une préface par Susan M. Vogel. Publié en français et en anglais par les éditions Fonds Mercator et Africarium, Bruxelles, 2016. Format : 24 x 31,5 cm, 192 pp., 109 ill. coul. (dont 55 pl.) et 29 N/B. Relié sous jaquette : 59 €. ISBN 978-94-6230-135-1 et 978-94-6230-134-4.