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La femme dans les arts luba

Statuette, Maître de Mulongo, Luba, République Démocratique du Congo. Bois. H. : 30 cm. Coll. privée. © Sotheby’s.

Par François Neyt

Les arts luba du Zaïre correspondent parfaitement à la définition qu’en a faite Amadou Hampaté Bâ dans son ouvrage sur l’enfant Peul, décrivant ce qu’il doit à sa mère : « La mère est considérée comme l’atelier divin où le créateur travaille directement, sans intermédiaire, pour former et mener à maturité une vie nouvelle. C’est pourquoi, en Afrique, la mère est respectée presque à l’égal d’une divinité ». Les arts luba du Zaïre correspondent parfaitement à cette définition d’un sage de l’Afrique de l’Ouest et illustrent à profusion le corps de la femme, debout, agenouillée ou assise jambes tendues. Support de forces qui habitent et traversent l’univers, la femme est là pour transmettre et protéger la vie. Sculpter son corps ou son visage est un acte relevant de la plus haute spiritualité car, à travers sa représentation, se traduisent les croyances et l’histoire — mythique ou réelle — d’un peuple dont les données imposent un sens aux événements.

L’émergence du royaume luba au XVIe-XVIIe siècle est né de la conjonction de deux facteurs : le commerce à longues distances du fer et du sel, à partir de la capitale Kabongo, et la profusion de denrées alimentaires provenant de la dépression de l’Upemba. Son expansion et son déclin ont favorisé l’éclosion de formes artistiques qui soulignent l’omniprésence de la figuration féminine. Le mot « luba » correspond d’abord à une culture, c’est-à-dire à un ensemble complexe d’objets matériels, de comportements et d’idées qu’un groupe humain crée, vit et communique lentement. Le mot définit aussi une langue parlée par près d’un million de personnes au cœur même du royaume. D’importantes fouilles archéologiques menées dans la dépression de l’Upemba ont révélé l’histoire et la protohistoire de ces peuples avec l’exhumation de diverses céramiques datant du Xe au XIVe siècle, des bijoux en fer et en os, des croisettes en cuivre, des enclumes, symboles de pouvoir, des haches de parades que l’on retrouvera plus tard dans la sculpture luba, des épingles en métal, en os et en ivoire. Bref, une quantité d’objets se répartissant entre le VIIe et le XVIIe siècle qui donnent à la culture luba une profondeur historique unique en Afrique noire.

La femme et le sacré

Harmonie des volumes, expression de force contenue et d’intériorité, importance accordée à la tête et à la coiffure raffinée, yeux mi-clos entrouverts sur un autre monde — ou démesurés, témoignant de l’influence tabwa à la limite orientale du pays luba —, bras repliés vers les seins, illustrent l’ingéniosité des maîtres sculpteurs luba. Les porteuses de coupe vont nous conduire au cœur de notre propos et nous faire découvrir l’identité de la femme luba, support et vecteur de forces mystiques venues d’ailleurs. Une femme agenouillée ou assise, les jambes tendues, serre entre ses mains et ses genoux une calebasse de divination. Elle appelle, invoque, supplie les esprits et les génies de l’univers de venir répondre à son intercession. C’est la démarche des voyants et des devins, mais aussi des prophètes mbudye qui sont aussi des danseurs. Ces danseurs accompagnaient jadis le roi dans tous ses déplacements et constituaient une confrérie de prophètes. À travers les témoignages écrits, ambigus et souvent superficiels, il est apparu qu’ils exercent leur don de voyance en veillant sur l’intégrité du royaume. Ils préviennent les malheurs et les famines, bénissent par leur danse les habitants des villages visités par le roi, protègent de leur présence les cultures, la pêche et les ressources économiques du pays. Écartant les esprits mangeurs d’âmes et veillant au bien de tous, ils mettent en pratique cette fameuse devise : « tous pour un et un pour tous ». Le roi, en quelque sorte, est le premier d’entre eux et, en tout cas, il est prophétisé, habité par les génies de la royauté.

Porteuse de coupe, Luba, République démocratique du Congo. Bois, perles et cuivre. H. : 45,5 cm. © Musée Dapper, Paris. Photo H. Dubois.

Ces objets sacrés sont des vestiges d’un fabuleux passé que nous avons du mal à concevoir. Dans la région de Kamina, quelques coupes se caractérisent par la représentation de bovidés et d’autres animaux à cornes comme les antilopes ou les chèvres. En remontant vers la capitale Kabongo, près du lac Samba, des porteuses de coupe ont des yeux en cauris, une femme tenant une coupe de grande taille est assise, jambes repliées sur les talons. Dans l’aire stylistique de la capitale Kabongo, les porteuses de coupe revêtent une importance particulière par la présence des deux esprits tutélaires Mpanga et Banze, gardiens de la royauté. Assise sur les talons, la voyante tient une coupe ronde non décorée. Le couvercle a une forme conique, le plan des épaules et des seins se dégage nettement d’un tronc cylindrique couvert de motifs losangés. Les yeux s’étirent en amande ou en losange, la bouche aux incisives limées serre souvent un coquillage ou un cauris, tribut à payer pour le voyage vers l’au-delà. La coiffure se compose de cinq chignons en forme de pagode. Si, de Kabongo, nous nous dirigeons vers l’est, c’est-à-dire vers la dépression de l’Upemba, nous rencontrons, sur des affluents de la Lovoi, un atelier bien précis, celui du maître des trois rivières. Atelier original de production limitée, il trouve la source de son inspiration à la fois dans les représentations de Kabongo et de celles de Mwanza, près des sources du Zaïre. La coiffure est en couronne, la forme de la coupe, décorée de triangles alternés et les jambes tendues en avant sont des traits qui s’accordent bien aux traditions des ateliers de Mwanza. Là, les œuvres sont nombreuses : vingt-cinq coupes ont été répertoriées, répondant aux mêmes canons morphologiques et stylistiques. Le visage est ovoïde, ne portant généralement aucune scarification. Les coiffures à cinq chignons se modifient, le dernier, de forme polygonale, s’inscrit à l’intérieur même du quatrième élément s’élargissant en couronne semi-circulaire. La coupe est souvent décorée de triangles alternés sur lesquels repose un couvercle céphalomorphe, comme si la tête d’un enfant venu des dieux jaillissait du réceptacle divinatoire. D’autres ateliers, riverains des lacs, dans la dépression de l’Upemba, ont des caractéristiques propres : la porteuse de coupe du Musée des Açores, allaitant son enfant, se rattache à l’atelier de Mulongo. À Malemba Nkulu, les coupes sculptées représentent non plus une calebasse, mais une céramique. Sur le cours de la moyenne Luvua, entre Kiambi et Pweto, d’autres formes présentent deux personnages enserrant de leurs membres une immense coupe parcourue de sillons parallèles et de motifs en forme d’empennage. D’autres œuvres ont été réalisées dans des ateliers de la Lukuga : les personnages au cou annelé sont assis les jambes tendues, la coupe reposant sur un léger support.

De l’atelier buli, nous connaissons deux œuvres majeures et fameuses. L’une d’entre elles, au moins, a été sculptée par le Maître de Buli, Ngongo Ya Chintu. « Le faciès émacié et allongé », écrit Albert Maesen, « a semblé à beaucoup d’une intensité dramatique. L’œuvre du MRAC de Tervuren a été récoltée par Bure en 1905. La seconde avait été collectée par Miot en 1895, lors d’une expédition antiesclavagiste. Toutes deux sont exceptionnelles dans leur conception et leur réalisation. Dans la sculpture de la collection J. van den Boogaerde, récoltée en 1916-1918, deux femmes sont assises face à face, le visage émacié, la coiffure exubérante caractéristique des ateliers de la moyenne Lukuga, voisins des sculpteurs hemba.

Statuette, style de Mwanza, Luba Shankadi, République démocratique du Congo. Bois. H. : 38 cm. Coll. privée. © Archives B. de Grunne.

Revenons sur l’identité de la femme luba par le biais de la linguistique. Souvent, quand un africain nomme une réalité, il remonte à la cause qui l’a produite. La compréhension de la nomenclature de porteuses de coupe nous éclaire sur leur signification dernière. Deux autres apparaissent : kabila et mboko. Kabila signifie littéralement « celle qui implore, celle qui appelle ». La voyante convoque les esprits et les génies qui habitent l’univers et les invite à venir lui parler. Elle s’apprête à entendre la voie redoutable des génies mvidye. L’autre terme, plus utilisé au centre du pays luba, est mboko, signifiant le bras. Image, empruntée cette fois au corps humain, qui a pour fonction de relier les hauteurs du ciel à la profondeur de la terre. La femme luba, par ses bras tendus, tenant la coupe, semble briser la voûte étoilée du ciel et appelle les génies à résider un court moment dans le réceptacle de la coupe. Dans la divination, d’autres instruments sont utilisés pour la voyance : des cadres divinatoires dont la partie supérieure est surmontée d’une tête féminine, des calebasses, des pots en terre cuite et des bâtons. Entre 10 et 17 cm de hauteur, ces instruments, dans lesquels le devin et le consultant passaient leur doigt, étaient balancés sur un support. Ils aidaient les devins à sonder les incertitudes de l’avenir, à forcer les secrets de l’au-delà ou à interroger les disparus. Les devins se servaient aussi de pilons rituels pour broyer l’argile blanche. Rappelons ici que les candidats à la succession royale étaient eux-mêmes entièrement enduits d’argile blanche, matière symbolique très importante, par deux voyants. Au crépuscule, ils devaient se plonger dans les eaux mystérieuses du lac pour recevoir la réponse des génies.

Le mot luba pour le kaolin, l’argile blanche, est mpemba. L’ensemble de la dépression se nomme Upemba, c’est-à-dire le lieu de l’argile blanche, autrement dit le temple où habitent les génies et les esprits. De petits mortiers à extrémité anthropomorphe participent de cette symbolique.

Figure rituelle à six têtes, atelier de la Lukuga, Luba, République démocratique du Congo. Bois, cornes, cuivre, peau, tissu végétal, raphia, fibre de palme et poils animaux. H. : 46 cm. Ex-coll. London Missionary Society. © The Trustees of the British Museum, Londres. Inv. Af1910,-.439.a-v.

Sur le versant occidental du royaume luba, chez les Kalundwe et les Kanyok, une coupe anthropomorphe était utilisée pour honorer les esprits du clan.La coiffure est composée de petits chignons sphériques, l’œuvre est taillée avec une maîtrise et un raffinement éloquents. Deux autres objets insolites contribuent à cerner le mystère de la femme dans sa quête de l’au-delà. Le premier est un objet magique du British Museum mesurant 47 cm, composé de bois, de cornes, de poils, de peau et d’ingrédients magiques. Six têtes disposées en couronne surveillent d’un œil attentif les points de l’horizon et protègent leur propriétaire. Le second est une calebasse appartenant à la collection du surréaliste bien connu Tzara. Le mystère de la statuette féminine surmontant la calebasse, les coquilles et la peau éclate de toute part et semble suggérer combien la voyante transcende les éléments du cosmos et assure par là la sécurité du peuple. La femme nous est apparue comme celle qui brise la voûte céleste et entend le message inouï des génies dont elle est le passage obligé et le réceptacle sacré.

La femme et la politique

Dans l’univers politique, elle garde un rôle éminemment confidentiel, à l’ombre du pouvoir. Néanmoins, elle demeure omniprésente sur les signes sculptés : dessus de sceptre, porte-flèche de prestige, hache d’apparat, siège à caryatide… Tout commence par l’épopée mythique du roi fondateur du royaume luba : Kalala Ilunga. À peine né, il révèle ses dons de voyance et son nom exprime sa devise royale : « L’enfant né au lever du jour ». « Je suis la longue corde ombilicale qui se déroule d’une forêt à l’autre ». En effet, dès le sein maternel, le futur roi-prophète va veiller sur son peuple d’une forêt à l’autre. Il va aussi, avec l’aide du devin prophète Mijibu, délier le roi Kongolo et échapper à un piège mortel hérissé de pointes de fer dissimulées sous des nattes. Invité à danser avec deux lances, le futur roi luba brandit la première vers le ciel pour honorer Kongolo, de l’autre, il tâte le sol. Par un langage tambouriné secret, le devin musicien prévient le jeune prince qu’il s’approche du piège mortel. Finalement, ce dernier évente le traquenard, bondit au-dessus de la foule, s’enfuit, rejoint ses troupes, défait Kongolo et fonde le royaume luba. La lance, dont la hampe est décorée d’une figurine féminine, deviendra le premier emblème de la royauté. Les exemplaires de lances royales sont rarissimes en comparaison des sièges à caryatides qui se comptent par centaines. Tournée vers le ciel, elle est plantée à gauche du trône royal et a pour mission de protéger le peuple contre les forces du mal.

Porte-flèche attribué au Maître de Warua, Luba, République démocratique du Congo. Bois et métal. H. : 64,4 cm. Coll. privée. © Archives L. Entwistle.

La lance comme le porte-flèche décoré de figures anthropomorphes sont des productions originales des Luba. Son aire d’extension s’étend du pays luba au Rwanda. Un autre type de porte-flèche en métal est répandu du sud-est zaïrois au Malawi. Comme la lance et la porteuse de coupe, le porte-flèche a un côté éminemment secret, lié à son pouvoir de voyance et de discernement sur les forces du mal et, en ce sens, conservé soigneusement dans une natte ou des tissus, à l’abri des regards indiscrets. Ce côté secret, sur lequel nous reviendrons plus loin, est aussi lié à la femme qui est porteuse de vie et qui la protége. Il ne s’agit pas ici de la vie biologique, mais de la vie même du royaume luba où le statut de la femme, par son discernement, son don de vigilance, est lié à la vie politique. À l’origine, le porte-flèche du chasseur consistait en une branche fourchue sur laquelle le chasseur déposait son offrande aux ancêtres du lignage décédé. D’objet utilitaire, il devient progressivement, avec ses figurations multiples, l’expression raffinée du pouvoir politique protégé par les femmes. Les luba le considère comme un « lit », un réceptacle où le roi garde des flèches invisibles qui pourfendent les esprits maléfiques. Les pièces les plus simples sont en forme de trident décoré de quelques lignes géométriques et d’un losange sculpté à l’intersection des branches. Certaines œuvres présentent un visage anthropomorphe aux extrémités des fourches. Parfois plusieurs têtes sont sculptées avec un grand raffinement. Sur d’autres objets, le personnage féminin est debout, les mains posées sur les seins, comme si la femme nourrissait son peuple par les génies bienveillants que sa présence apporte.

Il n’est pas question ici de développer longuement les symboles liés à la métallurgie dont il ne faut pas sous-estimer l’importance dans la vie politique du royaume mais d’évoquer quelques aspects essentiels liés à la symbolique de la femme. Des soufflets de forge à deux ou quatre orifices surmontés d’une tête féminine étaient recouverts de peaux qui propulsaient l’air et alimentaient une tuyère chauffant le minerai enfermé dans un four cylindrique sur lequel deux seins féminins étaient représentés. Chaque étape du travail fait partie d’un rituel mêlant technique, sexualité et sacré. Lors de l’initiation royale, un rituel curieux consistait à « frapper les enclumes ». Le responsable des cérémonies s’approchait du roi assis sur un trône, tenait la lance et la hache sculptées et il se mettait à frapper les jambes royales à coups de poing en signe d’allégeance. Il évoquait ainsi le travail du forgeron, souvent considéré comme la femme du village, car il met au monde la coulée de métal, soulignant par là le rapport étroit entre la femme et la création elle-même. Sous l’influence du prince Buki, roi vassal, confiné aux marches du royaume luba, vers 1830, les regalia royaux se sont multipliés. C’est ainsi que du Lomani au pays songye jusqu’au lac Tanganyika, sur les deux rives de la Lukuga, les sceptres et les sièges à caryatides se sont largement répandus.

Siège de prestige à cariatide, atelier du Maître des trois rivières, région de la rivière Lovoi, Luba, République démocratique du Congo. Bois et pâte de verre. H. : 59,1 cm. © MET, New York, The Michael C. Rockefeller Memorial Collection, gift of Nelson A. Rockefeller, 1969. Inv. 1978.412.317.

Dernier emblème politique : les sièges à caryatides. Les caryatides luba montrent une femme soutenant la tablette supérieure d’un siège royal ou cheffal. Agenouillée ou debout, adossée à un homme ou placée à côté de lui, la représentation de la femme varie à l’infini de la zone forestière au nord jusqu’au sud, des lacs Tanganyika et Moero à l’est jusqu’à l’ouest. Sur toute l’étendue du vaste royaume, ce même symbole apparaît et les interprétations qu’en donnent les historiens d’art et les anthropologues tournent autour du mystère féminin sans jamais l’épuiser. Le siège à lui seul évoque déjà l’action de porter : la caryatide, noble ou esclave, renforce cette idée. Que porte cette femme. Le village, le royaume même. Dans ce cas, elle est celle qui soutient par les génies et les esprits l’autorité du prince.

Autre idée, plus accentuée dans la région de la Luvua, c’est que la femme est terrienne, unie au sol, à la vie, à la création, tandis que le souverain ne peut, lui, en aucun cas, toucher le sol. Les ateliers de la Luvua ont mis en valeur cette posture curieuse et suggestive : le corps de la femme d’allure cylindrique repose à même la tablette du siège et les membres inférieurs s’enroulent littéralement autour du tronc. Le sexe de la femme magnifié, reposant sur le sol, fait d’elle le lieu du passage entre les forces telluriques et le monde des vivants, entre la nature et la culture. La femme se présente donc comme l’intermédiaire entre le pouvoir du chef assis sur le tronc et ses sources légitimes : les génies et les esprits des ancêtres.

La femme et le quotidien

Cette dernière partie prolonge jusqu’à nos jours ce qui a été développé sur la femme et le sacré, ainsi que sur la femme et la politique. Intimement liée à la quête des forces de l’au-delà, à travers diverses institutions, la femme veille de façon plus secrète, à l’intégrité de la personne royale et à la prospérité du royaume. Elle joue incontestablement un rôle économique, social et politique. Elle apparaît enfin dans le cycle du jour et de la nuit, du retour de la nouvelle lune, et celui de la vie et de la mort. La représentation féminine s’affirme toujours comme un secret initiatique. Elle est la porte qui s’ouvre sur une réalité insaisissable touchant au mystère de l’existence. Ainsi la torsade, présente sur des sceptres luba, figure le nœud de l’ombilic. « L’humanité commence par le nombril » dit un proverbe. C’est la clé, l’ouverture au monde, le centre vers lequel convergent toutes les forces favorables à la fécondité.

Appui-tête à cariatide, Maître de la coiffure à cascade, atelier de Kinkondja, région de la rivière Lovoi, Luba ou Shankadi, République démocratique du Congo. Bois et pâte de verre. H. : 16,2 cm. © MET, New York, The Michael C. Rockefeller Memorial Collection, gift of Margaret Barton Plass in Honor of William Fagg, C.M.G., 1981. Inv. 1981.399.

Appui-tête, atelier du Maître de Mulongo, Luba, République démocratique du Congo. Bois. H. : 17,1 cm. © National Museum of African Art, Smithsonian Institution, Washington, museum purchase. Inv. 86-12-14.

Les appuie-nuque illustrent merveilleusement cet aspect. Connu depuis la plus haute antiquité sous le nom d’oreiller ou de chevet, présents dans l’Égypte pharaonique où se forme s’apparent à celle des appuie-nuque de l’Afrique centrale, le support de rêves luba se compose d’un pied, d’un plateau d’appui et d’un montant réunissant les deux éléments. La fonction de l’appuie-nuque luba est d’abord de protéger une coiffure patiemment élaborée durant de longues heures, sinon de longs jours. Ce chevet est aussi un support de rêves, au moment où l’esprit de l’humain se laisse habiter par les forces venues d’ailleurs et qui semblent se réveiller au moment où l’être humain s’endort. L’appuie-tête luba est utilisé aussi comme support des oracles à frottement lors des rituels divinatoires. À un niveau ultime, l’appuie-tête est placé sous la tête du défunt durant l’exposition du corps. Il devient ainsi support de la mort et de la vie dans l’au-delà. Une tradition luba rapporte qu’à la mort de dignitaires et de chefs tels les Kilolo, chefs de terre, il y a un rite de substitution. Tandis que les funérailles et l’inhumation du défunt se déroulent en grand secret, on enterre à part quelques éléments du corps humains (ongles, cheveux, etc.). Il arrivait aussi que l’appuie-tête sculpté soit enterré à la place du défunt, substitut de la personne qu’elle représente symboliquement. Les exemplaires les plus fameux proviennent de la zone occidentale et méridionale de la dépression de l’Upemba, dans le royaume de Kinkondja et dans la région de Kamina. Plusieurs types apparaissent, par exemple, un personnage chevauchant une antilope, image qui enrichit la notion de mouvement entre le monde des génies et celui des vivants.

Chez les Luba, comme chez beaucoup de peuples, l’apparition de la nouvelle lune était célébrée par des danses et des fêtes : c’est le retour de la vie et de la fécondité. Masques et statuettes apparaissent à ces occasions. Chez les Luba, comme chez les Songye, leurs voisins riverains du Lomani, les masques kifwebe ont joué un rôle considérable dans la vie sociale, religieuse et politique.

Sommet de sceptre d’autorité, atelier de la moyenne Luvua, Luba, République démocratique du Congo. Bois, cuir et pâte de verre. H. : 33 cm. © Dallas Museum of Art, The Clark and Frances Stillman Collection of Congo Sculpture, gift of Eugene and Margaret McDermott. Inv. 1969.S.96.

Trois conceptions complémentaires de la femme sont apparues à travers ces diverses catégories d’objets. La femme secrète, liée au divin puisque, comme le disait Hampaté bâ : « Elle est l’atelier où le créateur travaille directement, sans intermédiaire, pour former et mener à maturité une vie nouvelle ». Elle s’est révélée comme le passage obligé et le réceptacle du sacré dans le monde des vivants. Elle est aussi la femme secrète qui veille sur le pouvoir politique à travers ces symboles forts que sont les lances royales, les porte-flèches, les sceptres, les haches, les herminettes et les sièges à caryatides. Femme secrète de tous les temps, elle est là, présente par sa coiffure somptueuse, ses amulettes, son appuie-tête et ses masques de danse. Liée au cycle du temps, au retour de la nouvelle lune, de la vie et de la mort, elle est tournée vers l’avenir, toujours vulnérable et fragile. En ce sens, elle porte en elle, dans les multiples représentations sculptées, le sentiment d’interrogation, de précarité, de fragilité même. Mais, précisément, ces interrogations dont l’art luba nous apporte des témoignages émouvants ne rejoignent-elles pas notre propre inquiétude existentielle ? Et la femme n’est-elle pas celle qui ouvre réellement la voûte céleste du ciel africain et laisse place à l’avenir ?

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